II - Cercle de l'art moderne  > Le Cercle de l'art moderne (MKK) en 1913

La troisième exposition du MKK, toujours accueillie au Stedelijk Museum, du 7 novembre au 8 décembre, permet de dégager quelques traits distinctifs de ce "Cercle". Si l’on excepte les invités d’honneur, Cézanne, puis Bresdin et Gauguin (il n’y en eut pas en 1913), le nombre de peintres exposés est de trente et un comme en 1911 ; il était monté à trente-trois en 1912. La surface de cimaises offerte à ceux-ci fut chaque année identique ; la quantité d’œuvres qu’ils y présentèrent atteignit 152 en 1911, 222 en 1912 et 220 en cette année 1913, ce qui utilise sans doute à plein les possibilités d’accrochage. En tout cas, la fidélité de certains artistes à ce rendez-vous ressort du fait que douze peintres s’y retrouvaient pour la troisième fois. En revanche, Conrad a dû recruter chaque année une quinzaine de nouveaux venus pour combler les vides laissés par ceux qui avaient renoncé à subir une fois de plus l’épreuve du feu ou qui estimaient avoir affirmé suffisamment leur talent.

Commençons par citer les douze fidèles dans l’ordre d’importance de leur participation totale aux trois expositions : Le Fauconnier a exposé soixante-quatre tableaux. Il retourna aux Pays-Bas avec Kickert pour l’été 1914 et s’y trouva coincé durant toute la guerre. Il profita de ces cinq ans pour y faire une belle carrière et y acquérir une clientèle. Pour plusieurs raisons, sa réputation se ternit ensuite en France. Lodewijk Schelfhout exposa quarante cinq œuvres, parmi lesquelles de nombreuses pointes sèches, un genre où il excellait sans parvenir cependant à vraiment convaincre. Sluyters que l’on a rencontré aux origines mêmes du MKK, y montra trente-cinq toiles ; sa peinture sensuelle, parfois presqu’érotique, a suscité un engouement qui n’a jamais faibli. Gestel, l’auteur d’une des toiles censurées par Baard en 1911, pour des motifs plus sérieux et en dépit (ou à cause ?) de ses conversions successives aux goûts évolutifs du public, occupe une place de premier plan dans la peinture moderne aux Pays-Bas ; sa participation aux trois premières expositions du MKK atteint trente-deux œuvres. Jan Toorop, qui aurait pu se prévaloir de sa qualité de président du MKK pour s’en faire une tribune, a obéi à sa nature discrète et n’a exposé en tout que vingt-sept œuvres dont une seule en 1913. Sa fille, Charley, qui n’a exposé qu’en 1911 et 1913 (six tableaux en tout), et dont le style est devenu de plus en plus expressif, est aujourd’hui plus connue et appréciée que son père. Lissmann, un Allemand, dont Kickert appréciait le jugement, qualité précieuse en ces temps troublés, avait été largement exposé au MKK : vingt-deux toiles en tout. Mondrian n’en avait montré que vingt, des œuvres passionnantes, car on y suit comme pas à pas au long de ces trois années, l’évolution du peintre "de la figuration à l’abstraction" (1).

Ainsi la place principale au MKK avait été donnée par Kickert à ses contemporains néerlandais. C’est par eux qu’il avait voulu commencer pour illustrer ce qu’il fallait entendre par "peinture moderne". Le peintre français, Derain, arrive loin derrière avec dix tableaux sur ces trois premières années. Il est du reste suivi de très près (neuf tableaux) par Vlaminck dont les ascendances flamandes sont bien connues et par van Dongen (cinq œuvres) qui, pour être un peintre très représentatif de l’esprit parisien, n’en est pas moins né aux Pays-Bas (à Delfthaven) (2). A exposé aussi cinq œuvres en tout, Jacoba van Heemskerck, tandis qu’Otto van Rees en a montré quatre, tous deux néerlandais.

Parmi les artistes qui n’ont exposé que deux fois, le plus largement accueilli est de loin Peter Alma avec vingt-huit toiles pour 1912 et 1913. Après lui, Conrad Kickert qui n’en a accroché que la moitié. A leur suite, se place Weyand qui n’avait fourni que deux œuvres en 1911, bien qu’appelé par Kickert au rang de sociétaire du MKK dès l’origine, et aucune en 1912, alors même qu’il était devenu membre du comité cette année-là en remplacement de Sluyters, à côté de Mondrian ; il se rattrape en 1913 en présentant sept œuvres. En ajoutant Charley Toorop (six tableaux en tout en 1911 et 1913) on ne trouve là que des Hollandais pour accompagner Conrad.

(1) : Le titre si bien choisi "De la figuration à l’abstraction" fut donné par Herbert Henkels à l’exposition Mondrian préparée par lui en 1987 pour le musée de La Haye et qui fut envoyée ensuite au Japon où elle fit grand bruit.
(2) : Il n’obtint la nationalité française par naturalisation, qu’en 1929.

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