I - Conrad critique d'art > Premières œuvres de Conrad Kickert
Lorsqu’il ne visite pas d’expositions ou de musées et lorsqu’il n’écrit
pas, Kickert peint. Il n’eut jamais de professeur. Il découvrit de
lui-même, au prix d’un travail patient et grâce à une autocritique
impitoyable, ce qu’il fallait faire pour qu’un tableau prenne sens et
intérêt. Dans les premières œuvres, il en était loin. Presque toutes
celles qui sont parvenues jusqu’à nous sont de très petit format, un
signe de modestie ou de timidité. Il s’agit de marines et de paysages.
Le premier tableau représentant un personnage date de 1908 : "Ma
femme au repos dans le jardin" (1). Il recommence en 1909 avec "Mary dans
le jardin" (2). En 1910 il peint son autoportrait et il ne réitère
l’exercice qu’en 1914. C’est avec des marines qu’il tente l’expérience
de tableaux de grande taille. En 1907, une mer étale, sous un ciel
immense et encombré de nuages d’où perce un unique rayon de soleil,
dans ce ciel quelques mouettes (3),
Conrad Kickert était en froid avec son père, pourtant dès sa première
œuvre, il signa de son prénom Conrad pour ne pas mêler le patronyme
Kickert à son état de peintre, attention délicate à laquelle fut
sensible, espérons-le, le commandant Cornelis qui serait sûrement mort
de honte dans le cas contraire. Conrad plaisantait parfois en disant
qu’à cause du sacrifice fait à l’honneur familial, il se trouvait le
troisième peintre néerlandais à signer de son prénom, après Vincent
(van Gogh) et Rembrandt (van Rijn).
A vingt-trois ans, l’âge de la majorité légale à l’époque, il reçut
l’héritage de sa mère. Il en profita pour s’installer à Zandvoort (à
l’ouest d’Amsterdam et non loin de Haarlem), au bord de la mer. Il
quitta la ville quelques mois en 1906 pour faire son premier voyage à
Paris. A son retour, il améliore son installation à Zandvoort en y
faisant construire en 1907 une villa avec un atelier, par les soins de
l’architecte London6 qui se servit, en réduisant un peu l’échelle, des
plans qu’il avait antérieurement conçus pour édifier une grande villa à
Soest7. Conrad est ainsi à l’aise dans ses meubles. Il exprima souvent
l’idée qu’un grand volume d’atelier est indispensable non seulement
pour exécuter des œuvres de grand format, mais déjà pour les concevoir.
Ses grandes marines de 1907 à 1909 montrent une application de ce
principe.